Hébuterne

 

La pluie lave le ciel. Cela ne semble plus finir.
Elle est arrivée en juin 1915. Juste après le dernier assaut. Elle n'est plus repartie depuis.
En coulisses, les labours balayés par la pluie fine qui transperce l'âme. Le ciel est gris presque blanc. Les nuages flottent à l'horizon comme des fumerolles. Ils ne s'attardent pas dans le grand ciel picard, ils n'ont pas le temps, ils ne font que pisser.
Alentours, il n'y a que des croix. Blanches. Anglaises, canadiennes, australiennes, françaises.
Caressées par le vent et l'ombre des cyprès vieux et larges. Il y a peu d'arbres élancés, quelques peupliers sinistres, des hêtres comme égarés. Peu d'arbres prennent de la hauteur pour parler aux morts, ils restent accroupis pour murmurer avec le vent des berceuses vieilles de deux siècles.
Les petites chapelles prennent l'eau, les survivants les ont abandonnées. La mousse envahit les tertres où reposent les morts sans nom. Il y a trop d'ombres ici et les fleurs de printemps n'y paraissent plus.
Les scribes scrupuleux sont morts aussi, leurs registres sont incomplets et personne ne peut dire si le fantôme du fantassin qui veille sur la fosse commune est l'oncle de mon père. Il paraît jeune sous sa barbe de deux jours et je peine à reconnaître les traits de mon grand-­père, des airs de famille. Son regard impassible, ses mains retenant la boue de sang et d'acier de ses entrailles me tétanisent. La pluie n'a pas dilué cette ombre innommable ni les autres. Lorsqu'on murmure leurs noms, elles surgissent de la petite plaque de métal au centre de la croix peinte. Figures sans visage qui apparaissent et disparaissent comme des feux follets.
On avance à grand peine dans ces contre-­allées, le gazon est gorgé d'eau comme de la sphaigne. L'eau ne parvient pas à laver le souvenir de cette horreur où tant d'ogres généralissimes trous du cul ont conduits nos jeunes ainés. Vingt ans, les os émiettés, la viande avec du métal pour chapelure. Morts pour la France. Et pour toutes ces mères qui ont pleuré ces enfants dont les rires nous ont manqué.
La pluie lave le ciel. Ce n'est pas fini.


Commentaires

  1. Bonsoir Philippe, merci de tes gentils commentaires, tu es bien triste avec ce genre de photos, cela me glace rien qu'à les regarder, je préfère tes grands paysages imaginaires avec tes oiseaux qui volent et vont vers d'autre cieux. Je te souhaite une très belle soirée, à bientôt, amitiés, Corinne

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  2. Bonsoir je te sens bien triste et cette tristesse est aussi chez moi. Ces photos me laisse bien triste ce soir je veux comprendre mais hélas je n'y arrive pas. Aide moi!
    Des endroits que je ne préquente plus depuis que mon pere a disparu. Lui qui j'aimais tant lui qui m'a beaucoup donné et bien aimé. la vie est belle et triste trop souvent, mais nous devons continuer notre bout de chemin. Tu vois avec ces photos je suis avec mon pere ( façon de parler) et je le vois me prenant la main pour une trés longue balade.
    Phil ton esprit me semble bien loin de tout.
    Je te souhaite une bonne soirée

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  3. Et alors tu n'as pas trop le moral mais j'espére que tout passera vite pour toi. J'ai un peu froid en regardant ces photos.
    Je préfére regarder tes oiseaux
    Bye

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  4. Tes mots transmettent une telle tristesse mais reflètent si bien l'inutité de telles horreurs et les drames qu'elles ont engendrées pour tant de familles!
    Prions pour que plus jamais ... ça!

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  5. Toutes les explications ne servent à rien, seule reste une indicible tristesse!
    Un de mes meilleurs souvenirs fut en 1957, la signature du traité de Rome qui donna naissance à cette Union Européenne dans laquelle nous vivons en paix! A partir de là je savais que nous, habitants des zones frontalières n'aurions plus à "évacuer" précipitamment nos maisons et nos villages, c'était la fin des guerres fratricides, le voisin ne deviendrait plus l'ennemi!
    Ces jeunes qui ont quitté foyer village et famille sont morts pour que nous vivions en paix, c'est ce que nous ne devons pas oublier.

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  6. Bonsoir c'est ici que je viens te souhaiter une bonne soirée à demain

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  7. Salut Philippe,
    Je crois que Lucie a en effet tout dit! Mais je pense aussi que nous ne sommes à labri de rien malheureusement... Il suffit de penser au New Yorkais!!! Mais la vérité set que de nombreuses personne reposant là, se sont battus pour notre liberté, nos droits et nos biens... Cela, nous nous devons de ne jamais l'oublier!

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  8. Darthmagus salut alors passe donc le reglement j'aimerai aussi le lire . Donc le samedi je reste au lit

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